Le point sur … Le rôle du représentant CSE dans le cadre de l’assistance du salarié

En collaboration de Me Edmée LANGE, Avocate au Barreau de Paris

  • Le type d’entretiens au cours desquels le représentant CSE a la possibilité d’assister le salarié

Le Code du travail prévoit trois hypothèses dans lesquelles le salarié a la possibilité de se faire assister au cours d’un entretien avec son employeur :

  • L’entretien préalable de licenciement (art. L. 1232-4 du Code du travail) au cours duquel le salarié a la possibilité de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise (notamment, un représentant CSE). Dans les entreprises dépourvues d’institutions représentatives du personnel, il a également la possibilité de se faire assister par un conseiller inscrit sur une liste arrêtée par l’autorité administrative.
  • L’entretien préalable à une sanction autre que le licenciement (art. L. 1332-2 du Code du travail) au cours duquel le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise (notamment, un représentant CSE).
  • L’entretien de rupture conventionnelle (art. L. 1237-12 du Code du travail) au cours duquel le salarié a la possibilité de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise (notamment, un représentant CSE). Dans les entreprises dépourvues d’institutions représentatives du personnel, il a également la possibilité de se faire assister par un conseiller inscrit sur une liste arrêtée par l’autorité administrative.

Dans les entreprises pourvues d’un CSE et dans le cadre de ces trois hypothèses, l’employeur ne saurait donc refuser la présence du représentant du CSE aux côtés du salarié.

Dans le cadre d’entretiens « informels », autrement dit en dehors des trois hypothèses susvisées, l’assistance du salarié par un représentant du CSE a été admise par la Cour de cassation sous certaines conditions. L’on peut dresser le distinguo suivant :

– L’employeur a le droit de refuser la présence d’un représentant du CSE lors d’un entretien « informel » avec le salarié, sauf s’il avait d’abord accepté sa présence, auquel cas il ne peut pas revenir sur son choix.

РLa pr̩sence du repr̩sentant du personnel est jug̩e l̩gitime en cas de risque pour la sant̩ et la s̩curit̩ du salari̩ sous r̩serve que le salari̩ en ait fait la demande.

  • Quel est le rôle du représentant CSE qui assiste le salarié lors d’un entretien ?

Lors de l’entretien, le représentant CSE a la possibilité d’intervenir : il peut demander des explications à l’employeur, compléter celles du salarié et présenter des observations. Plusieurs questions pratiques :

  • Le représentant CSE peut-il prendre des notes ?

Les tribunaux ont admis la possibilité pour le représentant de prendre des notes durant l’entretien préalable de licenciement. On peut légitimement penser qu’une telle possibilité doit aussi être accordée au représentant du salarié qui l’assiste au cours de l’entretien préalable à une sanction ou à une rupture conventionnelle.

La réponse est plus incertaine dans le cadre d’un entretien « informel ». Selon nous, la prise de notes par le représentant CSE devrait être admise dans la mesure où en acceptant la présence du représentant, l’employeur l’autorise à exercer son mandat au même titre que lors d’un entretien « formel ».

En revanche, la Cour de cassation a jugé que si l’une des parties refuse d’apposer sa signature sur le compte-rendu (par exemple l’employeur refuse de signer le compte-rendu de l’entretien établi par le représentant du salarié), le compte-rendu n’aura aucune force probante devant les tribunaux (Cass. soc.,1er mars 2000, n° 97-45731 ; CA Versailles, 12.11.2008, n° 07-8435).

Certaines nuances ont néanmoins été apportées par la jurisprudence. En effet, la preuve étant libre en matière prud’homale, le témoignage du conseiller du salarié sur des faits auxquels il a assisté et personnellement constatés peut être admis sous réserve qu’il ne porte pas sur des faits couverts par le secret professionnel. Le juge apprécie souverainement l’objectivité du témoignage (Circ. DRT 16 du 05.09.1991, BOTR 91/24, Cass. soc., 27 mars 2001, n° 98-44666 ; Cass. soc., 12 fév. 2002, n° 99-45634) et ne peut ainsi refuser de prendre en compte une telle attestation dans le cadre d’un litige relatif à une demande en paiement au titre de congés payés, au motif que le conseiller du salarié n’était pas un témoin objectif et impartial (Cass. soc., 30 oct. 2002, n° 00-46314). Dans ce cas, il lui appartient seulement d’apprécier souverainement l’objectivité du témoignage ainsi rapporté.

  • Le représentant CSE peut-il enregistrer l’entretien ?

S’agissant de l’enregistrement effectué par le représentant CSE du salarié lors de l’entretien, il est à proscrire lorsqu’il est fait à l’insu de l’employeur car il sera jugé déloyal et ne constituera par une preuve recevable devant le juge. En outre, il pourrait engager sa responsabilité.

La Cour de cassation a déjà jugé qu’en enregistrant un entretien préalable à une sanction disciplinaire au moyen d’un magnétophone dissimulé, le salarié avait commis un acte objectif illégal et irrespectueux excédant le cadre de l’exercice des droits de la défense et justifiant son licenciement pour perte de confiance (CA Paris, 19 fév. 1993, n° 92-34871).

Il conviendra donc, au préalable, de s’assurer que l’employeur ne s’oppose pas à l’enregistrement. Un écrit est dans ce cas vivement conseillé.

  • Quelle attitude adopter lorsqu’un salarié se confie au représentant du personnel tout en lui demandant de rester discret ?

L’une des missions principales du CSE est la présentation des réclamations individuelles des salariés auprès de l’employeur (art. 3.3.2.1 CCNS).

Dans un tel cadre, il est vivement recommandé d’obtenir un écrit de la part du salarié et tout particulièrement si le nom du salarié est cité ou si celui-ci est facilement identifiable. Cette précaution évitera que le salarié ne reproche au membre du CSE d’avoir porté une réclamation sur sa situation personnelle sans son consentement.

La question est délicate dans certaines situations et, notamment, si la situation dénoncée par le salarié entre dans le cadre du droit d’alerte du CSE, lequel se décompose comme suit :

– droit d’alerte économique (art. L.2312-63, il ne concerne que les CSE dans les entreprises de + 50 salariés),

– droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles (art. L. 2312-5, L. 2312-59 du Code du travail et art. 3.3.2.1 CCNS),

– droit d’alerte en cas de danger grave et imminent ou de santé publique et environnement (art. L. 2312-5, L. 2312-60 du Code du travail et art. 3.3.2.1 CCNS).

  • Quelles sont les obligations du représentant CSE ?

D’un côté, le CSE dispose d’un droit d’alerte et pourrait engager sa responsabilité en cas de dommage subi par le salarié s’il n’en a pas fait droit après avoir été informé par le salarié, et, d’un autre côté, le salarié pourrait reprocher au CSE d’avoir trahi sa confiance et la confidentialité de leurs échanges. Prenons notamment l’hypothèse où l’employeur réagit mal en apprenant que le salarié (qui serait identifié ou identifiable) a dénoncé la situation auprès du CSE (exemple : mise au placard).

Dans l’hypothèse où un salarié se confie à un membre du CSE sur une situation entrant potentiellement dans le cadre du droit d’alerte (exemple : harcèlement moral), tout en lui demandant de ne pas en faire état à l’employeur, quid de la responsabilité du membre du CSE ? Engage-t-il sa responsabilité à ne pas en faire état ? Engage-t-il sa responsabilité à en faire état ?

La réponse dépendra de chaque situation.

Le membre CSE devra, a minima, tenir compte de la situation du salarié, de la nature des griefs, de leur gravité, du risque qu’ils font encourir au salarié et à tout autre salarié, des raisons qui conduisent le salarié à souhaiter la discrétion, et éventuellement du fait que le membre CSE ou d’autres salariés auraient été témoins des griefs dénoncés, etc.

Il devra, en toute hypothèse, informer le salarié précisément des risques que ce dernier encourt si la situation dénoncée perdurait, des options qui lui sont ouvertes (en interne et en externe, inspection du travail, plainte, …), de l’appui qu’il peut lui apporter, etc.

En effet, la responsabilité du CSE (personne morale de droit privée dans les entreprises de + 50 salariés) et/ou de ses membres, peut être engagée et, notamment sur le fondement délictuel ou quasi-délictuel (faute volontaire ou involontaire) causant un dommage à autrui (art. 1240 du Code civil), en matière civile mais également en matière pénale.

S’il nous parait déconseillé d’aborder de son propre chef une situation individuelle sauf à recueillir préalablement l’accord de la personne concernée (un écrit est recommandé), chaque situation devra être examinée au cas par cas.

Le représentant du CSE devra donc être extrêmement vigilant – notamment s’il y a des écrits – et prendre conseil, au préalable, auprès de l’UNIPAAR.  

 

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